Alors que les États-Unis renforcent leurs sanctions, la Chine multiplie ses innovations.
L’embargo américain, un catalyseur de l’innovation
Depuis 2019, les sanctions imposées par les États-Unis à des géants comme Huawei ont bouleversé l’industrie chinoise des semi-conducteurs. En étant privée de technologies essentielles, telles que celles fournies par Qualcomm ou Intel, la Chine a décidé de réagir en investissant massivement pour créer une chaîne de production nationale et autonome. Pékin a injecté des milliards dans la recherche et la fabrication, tandis que des entreprises comme Huawei HiSilicon et SMIC ont misé sur la conception locale. Le résultat : le processeur Kirin 9000S, entièrement chinois, est devenu un symbole de cette nouvelle ère. Parallèlement, la Chine a opté pour des solutions ouvertes, telles que l’architecture RISC-V et la rétro-ingénierie, avec un objectif clair : se libérer des technologies occidentales. Cette transition ne se limite pas à une réaction défensive, elle témoigne d’une volonté d’innover, de combler son retard, et parfois de surpasser les standards existants. Selon de nombreux analystes, les sanctions américaines ont accéléré cette évolution plutôt que de l’entraver. Ce qui était censé affaiblir le secteur chinois l’a, en réalité, poussé vers une indépendance technologique qui redessine les rapports de force dans l’industrie des semi-conducteurs.
L’innovation prend un nouveau tournant
Au-delà des investissements, la Chine innove maintenant dans la conception des puces. L’équipe du professeur Li Hongge, à l’Université Beihang, a mis au point une architecture hybride combinant logique binaire et logique probabiliste, présentée en juin dernier. Baptisée HSN, cette puce permet de réduire la consommation d’énergie, d’améliorer la fiabilité et de répondre aux besoins spécifiques de l’intelligence artificielle. Déjà testées dans des systèmes critiques, ces puces montrent que la Chine ne se contente plus d’imiter : elle explore de nouvelles pistes technologiques. En mai dernier, des chercheurs de l’Université de Pékin ont dévoilé une puce sans silicium, fabriquée à partir d’oxyséléniure et d’oxyde de bismuth. Selon leurs résultats, cette puce serait 40 % plus rapide et plus économique que les puces actuelles à trois nanomètres. De plus, elle pourrait contourner les limitations physiques du silicium, qui freinent la miniaturisation.
Ces innovations, soutenues par des géants industriels comme Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC) et des start-ups spécialisées, visent à positionner la Chine à l’avant-garde des semi-conducteurs de demain. Si elles parviennent à être produites à grande échelle, elles pourraient bouleverser un secteur jusque-là dominé par les États-Unis et Taïwan.
Le nouveau marché mondial des semi-conducteurs
Parallèlement à ces avancées, la Chine restructure sa chaîne de valeur. Huit des quarante plus grandes introductions en bourse récentes à Shanghai concernent des entreprises de semi-conducteurs, témoignant d’un écosystème en pleine effervescence. Les start-ups locales développent des processeurs graphiques pour l’IA, et la production de semi-conducteurs couvre désormais 80 % de la demande intérieure, réduisant ainsi la dépendance à l’égard des fournisseurs étrangers. Cette montée en puissance inquiète Washington, qui multiplie les restrictions, notamment concernant les puces Nvidia destinées à l’intelligence artificielle. Cependant, chaque sanction semble inciter Pékin à accélérer son autonomie, allant jusqu’à remplacer Intel et AMD dans les administrations publiques ou à produire ses propres processeurs pour le cloud et les centres de données. À moyen terme, cette stratégie pourrait redéfinir les équilibres mondiaux. Si la production de masse de puces sans silicium devient réalité, la Chine pourrait non seulement satisfaire sa demande intérieure, mais aussi rivaliser avec les géants historiques sur les marchés internationaux.